22 août 2013
4
22
/08
/août
/2013
19:59
| Extrait 1 |
A ceux qui le comprendront....
Parce que le jour viendrait où ils auraient un besoin vital l’un de l’autre, parce qu’aucun doute ne devrait alors subsister, elle n’interviendrait plus désormais en quoi que ce soit.
Jusqu’à ce que le moment soit venu, elle resterait en retrait. À lui prouver d’ici là que derrière l’armure glacée, les failles pouvaient être maîtrisées.
Par leur fusion avec la Kala, ils avaient scellé leur destinée, mais tout restait encore à écrire.
Du haut d'une falaise de roches noires et or entremêlées, Mark dominait toute la vallée du Tzna. La vue y était envoûtante : un ciel émeraude, une prairie rosée parsemée de fleurs jaunes et orange, un fleuve aux reflets violines qui se perdait au loin dans un lac immense.
Mark prit une profonde inspiration puis ferma les yeux. Ses prome-nades le conduisaient souvent jusqu’à ce surplomb. Il en appréciait le calme d’une nature protectrice et harmonieuse, respectée depuis toujours par ses habitants. Il aimait s’y ressourcer lorsque le besoin devenait pressant, lorsqu’il lui fallait vider le tumulte de son esprit par la paix de ce lieu hors du temps.
L’instant aurait dû être parfait, pourtant un pli barra son front. Son at-tention venait de le ramener vers plus de réalité, dérangée, happée par une présence parasite.
D’un œil songeur, Mark observa le vaisseau apparu dans le vert tendre de l’horizon. Sa trajectoire ne laissait aucun doute quant à sa destination finale. L’appareil piqua d’ailleurs très vite sur le village érigé au pied de la falaise, lové dans un méandre du fleuve. L’engin se posa à bonne distance, faisant tournoyer un mélange de pétales et de feuilles multicolores autour de lui.
Un froncement de sourcil trahit sa contrariété.
Silna, la planète où le bout d’une longue errance avait fini par l’abandonner, occupait un rang technologique très au-dessous des mondes connus de la Voie lactée. La grande sagesse, la philosophie de vie et la connaissance profonde de la nature de son peuple l'avaient malgré tout conduit à un contact direct avec les Territoires Unis. Le fait était rare, car en contradiction avec les préceptes en vigueur sur la question au sein de l’Union. Bien qu’il n’ait pas opposé de véto officiel à ce rapprochement, le Grand Conseil avait pris ses responsabilités, soucieux de ne pas entraver l’évolution naturelle de Silna et de ses habitants. Le nombre de règles et de restrictions devint légion, en majorité destiné aux « non-Silnaniens ».
Entre autres choses, la tolérance vis-à-vis de toute intrusion par voie spatiale offrait une marge de manœuvre extrêmement réduite. Conscient du statut particulier de sa planète d'accueil, Mark pressentait être la raison de la venue de cet appareil. La conclusion ne l’influença pourtant en rien. Il se trouvait très bien là où il était et n'avait aucune envie de bouger.
Son vaisseau stabilisé sur le tapis rosé de la plaine déroulée au pied de la falaise, Graig descendit la rampe d'accès d’un pas décidé.
— Bon sang, j’espère qu’il est ici, maugréa-t-il en jetant un regard circulaire sur le village qui s’élevait de l’autre côté du fleuve.
Cobra… Graig commençait à en avoir assez de le chercher partout. Il aurait certainement abandonné depuis pas mal de temps s’il n’avait été mandaté par Tamra. Être la sœur de ce pirate donnait déjà un certain poids à sa demande, mais ce n’était rien à côté du fait que, désormais, elle était également sa femme. Il n’avait pas le droit de revenir bredouille, elle le lui avait fait comprendre à demi-mot.
— Aussi, pourquoi s’est-il débranché ! pesta-t-il tout en traversant le pont de bois qui reliait les deux rives.
Mark avait décidé de leur laisser les bracelets après leur retour de Tri-tarnia, petits bijoux technologiques « faits main » harmonisés sur une gamme d’ondes que seuls les ArmComps et l’ordinateur de bord du Phœnix pouvaient capter. Il lui aurait été facile de le contacter.
Malheureusement, Cobra avait choisi de rompre toute communication depuis longtemps. Même Arak, l’âme de son vaisseau, n’avait plus aucun lien direct avec lui. Ayant de surcroît reçu « l’ordre » de ne rien dévoiler sur leur position, unique commandement du pirate auquel l’ordinateur ne pouvait déroger, Graig s’était retrouvé face à une I.A. fort peu loquace lorsqu’il était enfin parvenu à entrer en contact avec elle. Et simplement pour en arriver là, il lui avait fallu ruser. Las de constater que ses recherches ne le menaient nulle part, il s’était rendu jusqu’à la propriété impériale de Zolan et avait pris le risque d’activer le bracelet de Lana, relique précieusement gardée par Benji et Sania.
Arak avait répondu à l’appel, perturbé par une prise de contact impossible et illogique, l’identifiant étant décédé. Grâce aux réponses fournies par l’I.A. sur des sujets non couverts par une interdiction quelconque et, surtout, à la possibilité de tenter une détermination de l’origine de la communication le temps de leur courte conversation, Graig avait réussi à déterminer des coordonnées plus ou moins cohérentes. Il y avait trois systèmes solaires habités dans la zone qu’il avait délimitée, une région limitrophe des Territoires Interdits.
La planète Silna était sa cinquième et dernière tentative : soit il y trou-verait son bonheur, soit il lui faudrait se résoudre à subir les foudres de son épouse.
Stressé, Graig arpenta les rues d'un pas rapide, cherchant des yeux, si ce n'était Cobra, au moins une personne susceptible de le renseigner. En pleine journée, la plupart des habitants vaquaient à leurs occupations, le plus souvent en dehors du village. S’il aperçut bien quelques badauds, ils ne lui furent d’aucun secours. Les enfants poursuivaient leurs jeux tout en feignant de ne pas le voir et les adultes évitaient poliment, mais sciemment, de croiser son chemin.
— C’est bien ma veine ! grogna-t-il à mi-voix, tout en revenant au pont de bois.
— J’imagine que vous êtes ici pour Mark.
Graig sursauta, pris de court par cette présence dont il n'avait pas entendu l'approche. Se retournant, il découvrit un vieil homme qui lui arrivait tout juste au niveau de la poitrine. Les deux mains appuyées sur sa canne, celui-ci le considérait d’un air amusé
— Euh... oui, répondit Graig, décontenancé.
— Il est là-haut, renseigna le vieil homme sans attendre la question. Allez par-là, vous ne pourrez pas le manquer, ajouta-t-il avec un mouve-ment du menton vers un chemin de terre.
Graig le remercia d'un signe de tête, puis le regarda s'éloigner d’un pas lent, un bras dans le dos, l’autre maniant sa canne. Comment avait-il pu rater l'arrivée de ce vieillard ? Cette pensée l’irritait. Abandonnant finalement une autocritique inutile, il détailla la route indiquée. La ligne terreuse serpentait sur les flancs d’une falaise avant de se perdre derrière un gigantesque rocher. Graig laissa échapper un soupir de découragement. Déci-dément, ce pirate avait un don particulier pour se trouver dans des endroits impossibles. Il se sentait fatigué, pressé et il lui fallait encore grimper cette pente abrupte sur un chemin qui ne devait jamais avoir vu autre chose que des sabots. Agacé, il marmonna pour lui-même tout le bonheur que cela lui inspirait puis, prenant son courage à deux mains, il commença à gravir le sentier sans trop essayer de penser à ce qui se passerait si jamais il avait le malheur de faire un faux pas.
Aux trois quarts du parcours, Graig s'accorda une pause, essoufflé par une escalade plus difficile qu'elle ne l’avait annoncée. De sa position, il pouvait distinguer la silhouette d'un homme qui lui tournait le dos, debout au bord du précipice. Malgré la distance, un regard lui suffit pour le re-connaître.
— Eh bien, c’est pas trop tôt, souffla-t-il en reprenant son ascension d’un pas plus alerte.
Le replat du sommet enfin atteint, Graig réalisa que le pirate se trouvait en fait à l’extrême pointe d'un long rocher, promontoire étroit perché au-dessus d’un vide immense. Il se demanda un instant s’il se rendait compte du danger puis secoua la tête, considérant la question comme tout à fait idiote.
Le sentier avait disparu, peu à peu remplacé par une pente herbeuse, elle-même très vite dévorée par une présence rocheuse toujours plus compacte et chaotique. Malgré le terrain, Graig garda le même rythme, sautant d’une pierre à l’autre avec assurance. L’exercice d’équilibriste avait quelque chose de ludique, pourtant, soudain, il se figea. Ce long sifflement dont l’écho puissant et mélodieux semblait emplir la vallée tout entière l’avait stoppé net. Son attention se porta sur le pirate. Tandis que le filet de notes cristallines allait se perdre dans l'horizon, Graig le vit tendre le bras devant lui. Le cri d'un épervier transperça le ciel tacheté de nuages violines. Dans un cercle gigantesque, l'oiseau de proie vira de bord pour se diriger vers la falaise. Majestueux, il plana plusieurs secondes au-dessus d'eux, puis descendit lentement vers celui qui l'avait appelé. Il se posa sur son poignet, battit deux ou trois fois des ailes. Une fois installé à son aise, le pirate lui caressa le sommet du crâne du bout des doigts.
— Mark...
Graig s’était inconsciemment contraint à signaler sa présence à mi-voix, motivé par l’étroitesse du rocher. D'un même mouvement, l'épervier et le pirate tournèrent la tête. Leurs deux regards plongèrent dans le sien puis, alors que l’oiseau semblait le jauger avec méfiance, un sourire étira les lèvres de son maître.
— Ça doit être vraiment important pour que tu sois arrivé jusqu’ici, concéda Mark en reportant son attention sur l'animal.
Le temps de leur face à face, son visiteur remarqua avec surprise que ses cheveux étaient plus longs que de coutume et qu'une barbe avait envahi son visage, recouvrant les traits durs de sa mâchoire. S’il avait troqué sa combinaison spatiale pour une chemise de coton et un pantalon de toile, ses nouveaux habits ne cachaient en rien sa puissante stature.
Emporté par ses considérations personnelles, Graig ne réagit pas tout de suite, lorsque Cobra quitta son promontoire pour le rejoindre.
— Tamra veut te voir, expliqua-t-il tout de même à l’instant où ils se retrouvèrent face à face. Tu aurais au moins pu garder le contact avec elle, ça m’aurait évité de gâcher mes journées à te chercher juste pour te transmettre un message…, ajouta-t-il en désignant son ArmComp du regard, contrarié par tant de désinvolture.
Un pli barra le front du pirate. S’il avait sciemment ignoré l’accusation à peine voilée de son interlocuteur, le motif de sa présence le laissait beaucoup plus songeur. Entêtée et casse-cou, pleine d'idées bien arrêtées qui la poussaient sans cesse à refuser les conseils de ses aînés, sa jeune sœur devait avoir de très sérieuses raisons pour avoir transgressé ses principes.
L'un et l'autre perdus dans leurs pensées, le silence reprit ses droits, tout juste dérangé par la musique d'une nature sauvage qui s’étendait à perte de vue. Graig en savoura la douceur tout en observant le pirate du coin de l’œil. Une légère brise s’évertuait à glisser quelques mèches sur son visage, les faisant balancer devant ses yeux sans qu’il les repousse. D’un gris bleuté, si clair, son regard contrastait avec la noirceur de ses cheveux. Il ne manquait jamais de retenir l'attention, même si c’est bien autre chose qui vous empêchait ensuite de vous en défaire. Ce regard était si étrange, froid et tranchant. Graig avait beau le connaître depuis longtemps, il lui arrivait encore de sentir ce frisson le parcourir lorsque Cobra le fixait droit dans les yeux. Jamais il n'avait pu analyser, ou contrôler, cette réaction, instinctive.
Après une dernière caresse sur le front de l’épervier, Mark lui rendit sa liberté d’un mouvement du bras. Le rapace prit son envol dans un cri puissant tandis que son maître quittait le promontoire pour rejoindre leur visiteur. Pas vraiment décidé à s'éloigner, l’oiseau vola en cercle au-dessus de leurs têtes, surveillant leurs descentes sur le chemin escarpé. Peut-être parce que l'exercice s’avérait tout aussi compliqué que la montée, l’un et l’autre n'avaient toujours pas échangé le moindre mot lorsqu'ils parvinrent enfin au bas de la falaise.
— Attends-moi là, décréta Mark en poursuivant sa route sans lui prêter grande attention.
Graig le considéra d’un air sombre avant de se résigner à chercher un coin où patienter. Un regard circulaire lui permit de repérer un banc au-dessus duquel un arbre aux larges branches offrait une ombre bienvenue. Il se dirigea vers lui à pas lents, s’y assit, soupira. Il essaya plusieurs positions au fil de son attente, espérant tromper son ennui.
— Qu’est-ce qu’il fabrique ? grogna-t-il dans un murmure, agacé.
Chaque seconde se comparait à l’éternité lorsque le temps pressait. Il frappa quelques pierres du pied, puis finit par s’allonger sur l’immense tronc coupé en deux.
— Bien installé ? ironisa Mark.
Réveillé en sursaut, Graig faillit tomber du tronc.
— Très drôle, répliqua-t-il, contrarié, tout en découvrant le changement.
Rasé de près, les cheveux plus courts, revêtu d'une combinaison spatiale : il ressemblait à nouveau à l’homme dont il avait l’habitude.
— Tu sais ce qu'elle me veut ? ajouta le pirate une fois à sa hauteur.
— Non, admit-il avec un léger haussement d’épaules. Je joue juste au messager. Elle demande que tu la rejoignes sur Niran.
— Tu ne viens pas ?
Graig secoua la tête.
— J’aimerais, mais c’est impossible. Les affaires ont bien repris depuis quelque temps. On a décroché un gros contrat et on bosse tous dessus avec Sékor, Geln et Ebor, expliqua-t-il. Devoir te retrouver a un peu dé-rangé nos plans…
— Quel genre ?
— Des disparitions en pagaille dans la région d'Ingo et des vols d'armement dans des bases militaires.
Graig resta volontairement assez vague. Mark n’insista pas. Il avait plus posé la question par politesse que par profond intérêt.
— Ça fait longtemps que Tamra travaille sur Niran ?
— Après l'affaire de Tritarnia et la parution de son reportage, répondit Graig, assurément très fier de sa femme, tous les médias l’ont courtisée. Finalement, elle a choisi d’animer une émission d’enquêtes et débats sur des sujets de société. C’est financé par un grand groupe et donc retransmis dans toute l’Union.
Ce qui était logique si elle se trouvait sur Niran. Située en bordure des Territoires Interdits, cette planète pouvait se prévaloir d’une particularité unique. Tous les médias les plus importants des Territoires Unis y avaient élu domicile. La quasi-totalité de ses habitants œuvrait pour ce seul secteur. Ce fait la remplissait déjà d'une faune à part, mais Niran avait une spécificité bien à elle, et non des moindres. En effet, ni la Patrouille de l'Espace, ni aucun autre organisme officiel ne pouvaient y opérer. Chacun avait le droit de s'y promener en toute impunité, du simple citoyen aux repris de justice les plus recherchés. Ce statut, pour le moins singulier, avait été instauré suite à l'interception musclée de plusieurs voleurs célèbres à la sortie de leur interview, ce qui avait bien évidemment poussé d'éventuels intéressés à refuser les invitations, au grand dam des conseils d’administration. Il avait fallu plusieurs années d'âpres négociations avant d'arriver à un accord, mais les autorités de Niran, appuyées par de grands groupes financiers, eurent gain de cause. Ils arrachèrent un traité qui stipulait clairement qu'aucune arrestation ne pourrait plus désormais s'effectuer sur le sol et dans la zone d'attraction de la planète. Depuis ce jour, marqué d'une pierre blanche par les médias les plus puissants de l’Union, les audiences battaient des records et faisaient la fortune de leurs propriétaires.
— Alors comme ça tu as décidé de nous quitter ?
— Encore lui, s’étonna Graig en découvrant le vieil homme rencontré à son arrivée.
Encore une fois, il n’avait pas perçu son approche. Cela le contrariait. Mark se retourna tout en verrouillant le porte-laser magnétique.
— Ma chère petite sœur a besoin de moi, expliqua-t-il, comme pour s’excuser. Et puis..., il est grand temps que je bouge un peu.
Voilà en effet bien longtemps qu'il n'avait pas fait parler de lui, que ce soit dans les galaxies connues ou les Territoires Unis. Nombre de leurs résidents, habitués à dévorer ses exploits comptés avec moult détails par tous les médias possibles, se demandaient d'ailleurs si ce fameux pirate n'avait pas subitement changé de profession. La question tracassait beau-coup moins la Patrouille de l'Espace. Cette absence prolongée l’arrangeait; satisfaction partagée par d’autres. La liste comptait les nombreux directeurs de musées et expositions, ou bien des propriétaires privés de collections rares. Cobra était leur bête noire, l'un des rares cambrioleurs capable de déjouer les systèmes d'alarme les plus perfectionnés. Depuis sa « disparition », ils avaient l’esprit plus serein, certains de ne pas être réveillés en pleine nuit par l'annonce d’une désagréable et insolente visite de leur do-maine.
— Et lui, qu'est-ce que tu en fais ? demanda le vieil homme en dési-gnant l'épervier perché sur l'une des branches de leur parasol naturel.
— Je l'emmène, répondit Mark. Je le déposerai sur Talis au passage.
Talis, sa planète natale, mais surtout la capitale du clan pirate du même nom. Il y possédait une vaste propriété, perdue au milieu de nulle part. L'épervier y serait à son aise.
— Bon ! laissa échapper Graig en se levant. C’est pas que je m’ennuie, mais il faut que je rejoigne mon équipe. Si tu peux, ajouta-t-il avec un petit signe d’adieu en direction du pirate, essaie de me donner des infos sur ce qui se passe avec Tamra.
Après s’être légèrement incliné devant le Silnanien, il s’éloigna à grands pas vers le pont de bois.
— Êtes-vous donc tous aussi stressés dans votre monde ? s’interrogea le vieil homme d’un air déconcerté.
— À peu près.
Comment expliquer à un homme issu d’un peuple au rythme de vie calme et posé, le fourmillement de folie du reste de la galaxie ? Mark n’essaya même pas.
— Permets-tu que je t’accompagne ? proposa le Silnanien juste avant que le pirate ne prenne congé à son tour.
— Bien sûr.
Tous deux s’engagèrent sur le sentier du lieu de retraite du Phœnix. « Pour quelques jours », avait-il pensé à l’époque. Au fil de leurs pas, tout en discutant avec le vieil homme, Mark en découvrit peu à peu la silhouette, blanche, étincelante au creux de ce large repli de la falaise, nid de roche noire qui lui servait d’abri depuis si longtemps. Il laissa son regard glisser sur ses formes, surpris de ressentir tant de plaisir à le revoir. Un sourire effleura ses lèvres. Il savourait d’avance l’idée de se retrouver à son bord, de réintégrer cet univers qui faisait tant partie de lui.
— Et n’oublie pas que tu seras toujours le bienvenu ici, assura son hôte de quelques mois au moment des adieux.
Mark l’en remercia d’un petit signe de la main avant de s’engager sur la rampe d'accès. Au seuil des soutes, il appela d’un long sifflement l'épervier qui les avait suivis de loin. L'oiseau de proie ne se fit pas prier pour le rejoindre. Une fois posé sur son bras, Mark l’emporta à l’intérieur du Phœnix, puis le sas se referma sur eux.
— Va-t-on enfin quitter cet endroit perdu ?
Mark évita tout commentaire. Bien sûr, Arak restait fondamentalement un amoncellement de connexions bioinformatiques, même issu de l’une des classes I.A. les plus performantes, et pourtant. Les années semblaient l’avoir lentement doté d’un caractère propre tout à fait particulier avec lequel il fallait savoir composer.
— Tu comptes emmener cet animal ? demanda encore l’ordinateur tandis que le pirate déposait l'épervier sur le haut du siège du copilote.
— Tu y vois un inconvénient ?
— C’est ton choix, répliqua l’I.A., mais je te tiendrai pour responsable de tout accident s'il s'oublie sur mes circuits.
— Au lieu de dire n'importe quoi, programme un parcours pour Talis et un autre pour Niran.
Arak se permit une appréciation de contentement en apprenant que le but de ce double saut en vitesse supraluminique était lié au dépôt de l'épervier sur la planète natale du pirate.
Texte soumis à la Société suisse des auteurs en 1990, protégé auprès de Copyright France.
"Mark Storm - Rêves fatals" est publié c/o les Éditions Voy'[el]