Rallier la protection terrestre n'avait rien de très palpitant, mais les deux hommes se consolèrent en utilisant leur fonction pour mettre le nez un peu partout à la recherche de renseignements utiles. Leur assiduité ne fut guère payée en retour. Mise à part l’existence de dis-sensions au sein du haut commandement sur les méthodes par trop totalitaires de Draner, rien de ce qu'ils découvrirent durant les trois semaines qui suivirent ne fut apte à leur apporter de véritables ré-ponses à leurs questions.
— Le spatioport, lança Mark en rejoignant Alen appuyé contre leur navette de terre stationnée devant le centre de contrôle.
— Super, grogna le patrouilleur en se mettant aux commandes de l’appareil.
C’était à ses yeux la zone la plus déprimante de la base. Déserte la majeure partie du temps, on y observait juste des vaisseaux cargos se délestant de leurs cargaisons avant de repartir pour des destinations inconnues.
— Tu peux ralentir, fit Mark en se rendant compte que son chauffeur formulait sa frustration par une conduite plutôt agressive. On est en avance pour notre tour de garde, pas besoin d’en faire plus…
Alen laissa échapper un soupir tout en s’engageant sur le tarmac du spatioport à une vitesse plus raisonnable.
— Tu as vu ? fit-il quelques secondes plus tard alors qu’ils glissaient le long d’un vaisseau stationné en retrait des pistes, près des hangars. Je me demande pourquoi il tient tellement à vérifier par lui-même, reprit-il tandis que le regard de Mark se posait à son tour sur la navette privée de Draner.
Elle était parquée à quelques mètres de l’accès aux cales. C’était le seul appareil pour lequel Draner se déplaçait en personne, trois fois en trois semaines. La chose avait de quoi interpeller, mais là encore, ils n’avaient pu en trouver l’explication.
Alen avait ralenti en voyant un groupe d’hommes apparaître en haut de la rampe. Suffisamment proches, ils purent observer à loisir Draner et sa suite dévaler la longue rampe d’accès. Perdus l’un et l’autre dans leurs pensées, le sursaut de surprise fut violent lorsqu’une pluie de tirs laser passa au-dessus de leur navette pour mitrailler la zone.
Cherchant à le protéger, l’homme qui marchait derrière Draner lui plongea dessus. Cumul du choc et de la pente de la plate-forme, tous deux roulèrent jusque sur le tarmac. Autour d’eux, touchés à divers niveaux, le plus souvent mortellement, les corps s’affalaient lourde-ment.
— C’est quoi ce merdier ! s’exclama Alen tout en essayant de gar-der le contrôle.
Parce qu’ils suivaient la progression de leurs cibles, les tirs frôlèrent puis touchèrent la navette qui partit en tête-à-queue.
Rester à découvert les condamnait à mort, Draner et son protec-teur en étaient conscients. À peine debout, ils avaient tenté de rejoindre leur véhicule, mais leurs agresseurs ne leur en laissèrent pas la possibili-té. Touché le premier, le garde du corps fut tué sur le coup. Dans sa chute, il empêcha deux tirs d’atteindre son chef cependant blessé à l’épaule.
— Il va y rester, se dit Alen en le voyant tituber à découvert.
L’évidence était la même pour Cobra. Il leur suffit de croiser leurs regards pour comprendre qu’ils avaient eu la même idée.
— Je te couvre ! lança Mark en sortant le premier de la navette.
Il fit de son mieux pour protéger sa course tandis que le patrouil-leur se précipitait vers la rampe d’accès. Empoignant Draner au pas-sage, il l’entraîna avec lui derrière le véhicule officiel pour se protéger grâce à son blindage.
— Impossible de les avoir, se dit Cobra agacé en se rendant compte que les tirs venaient tous du toit d’un hangar.
Leur position était parfaite. Les tireurs n’avaient pas à se mettre en danger pour tenir leurs cibles en joue, ce qui n’était pas son cas. La navette derrière laquelle il se cachait commençait à souffrir de son rôle de bouclier et elle ne ferait plus cet office encore très longtemps.
— Vas-y ! cria Alen en prenant le relais sitôt parvenu à destination.
Mark s’élança la seconde suivante. Arrivé à la hauteur de la rampe, il s’empara du laser encore à la taille de l’un des gardes du corps puis plongea derrière le véhicule blindé.
— Merde, c’est quoi ça ? murmura-t-il en prenant la place du pa-trouilleur qui essayait de trouver un laser de plus.
Il venait d’apercevoir le canon d’une arme beaucoup plus puissante et expéditive s’élever du toit du hangar.
— Faut dégager ! hurla-t-il aussitôt.
Personne ne chercha à comprendre. À sa suite, Alen et Draner se précipitèrent derrière la rampe d’accès. Leur rapidité de réaction fut salvatrice. Quelques secondes plus tard, la navette explosait, projetant autour d’elle débris et poussières dans un nuage de chaleur suffocante. Ils se tenaient les uns à côté des autres et, pourtant, il leur fallut du temps pour se voir à nouveau. Ils avaient du mal à reprendre leur souffle, une poudre grisâtre les rendait méconnaissables, mais aucun n’avait été blessé.
— Tu entends ? fit Alen au milieu de quelques quintes de toux.
Mark acquiesça. Les tirs avaient cessé. La fumée dégagée par les restes calcinés de la navette était si gênante ? Mark en doutait, pourtant le calme persista. Intrigués, les trois hommes finirent par s’approcher prudemment du bord de la rampe. Ils eurent beau scruter les alen-tours, tout paraissait tranquille.
— Les équipes de sécurité ont dû les intercepter, conclut Draner d’une voix rauque.
C’était les premiers mots sortis de sa bouche depuis le début de l’attaque. Sérieusement touché à l’épaule, il s’était jusque-là contenté de suivre le mouvement, se reposant sur ces hommes arrivés in extremis pour lui sauver la vie.
— Il y a un appareil qui approche, prévint Alen.
Son laser à la main, Cobra observa lui aussi cette navette glisser vers eux. Les volutes de fumée noire dispersées par le vent n’offraient que peu de visibilité. Ne pouvant en déterminer les intentions, ils préférèrent rester à couvert jusqu’à ce que les occupants sortent du véhicule immobilisé.
— Tiens, tiens…, murmura Mark en reconnaissant celui qui les avait amenés sur Titan.
Découvrir à son tour leurs identités avait eu de quoi surprendre le colonel Twaner. Une certaine satisfaction se lisait sur son visage alors qu’il s’avançait vers eux. Il avait vu juste en pariant sur leurs capacités et appréciait que cette confirmation soit intervenue si vite.
— La situation est sous contrôle ? demanda Draner quand il fut à leur hauteur.
— Oui. On a arrêté six hommes. Tous font partie du groupe d’Enedar. Mais ce n’est pas vraiment une surprise vu la façon dont il a réagi lorsque vous avez supprimé le conseil. Que fait-on des pri-sonniers ?
Draner eut un air mauvais.
— Liquidez-les et surtout, prenez votre temps, lâcha-t-il d’une voix sourde.
— Bien, je m’en occuperai une fois que je vous aurai conduit à l’infirmerie, fit le colonel tout en l’aidant à rejoindre la navette.
Mark et Alen étaient restés en retrait. Personne ne leur avait rien demandé, comme si leur présence n’avait plus d’intérêt.
— Y’a pas de quoi…, maugréa le patrouilleur à mi-voix tout en s’époussetant.
Cobra lui jeta un regard de biais. Un sourire amusé flottait sur ses lèvres, un sourire qui n’avait rien à voir avec son mouvement d’humeur.
— Quoi ? fit Alen, agacé.
— Tu te rends bien compte de ce que tu viens de faire ?
Le patrouilleur haussa les épaules. Évidemment qu’il le savait.
— Si ça peut accélérer les choses…
Le sourire du pirate s’élargit.
— Tu t’intègres plus vite que je ne l’aurais cru.
Ce constat avait des relents de compliments. Alen apprécia, mais ne dit rien. L’attention de Cobra s’était déjà reportée sur la navette, toujours stationnée à quelques mètres. Avant d’y entrer, le colonel Twaner avait glissé quelques mots à l’oreille de Draner. Suspendant son geste, ce dernier s’était alors tourné vers eux, les considérant d’un air songeur.
— Montez !